Auteur d'une vingtaine de livres et de plusieurs centaines d'articles, parent de Bergson et de Proust, ami de Drieu la Rochelle et de Malraux, Emmanuel Berl a occupé une place importante dans la littérature de l'entre-deux-guerres. Modèle d'esprit critique, sans conformisme ni dogmatisme, il est un représentant très original de la pensée libérale. Il est aussi, par l'acuité de son jugement et la limpidité du style, un grand moraliste français.
Essayiste, historien, pamphlétaire, journaliste politique, écrivain d'art, mémorialiste, Berl a touché à beaucoup de genres. Il passe de Tamerlan à l'affaire Dreyfus, d'un cours de Bergson à une lecture de Simone Weil, de la sagesse de Goethe à l'amour chez Proust, de la Kabbale à la psychanalyse. À travers mille anecdotes, portraits, souvenirs ou citations, il s'interroge aussi sur l'oubli, le progrès, le langage, la culture, la révolution, la mort. Il avait un goût extrême de l'amitié. Dans les hommages qu'il a rendus à tel ou tel de ses amis - Daniel Halévy, Martin du Gard, Camus et bien d'autres -, c'est lui que nous voyons comme dans un miroir. Dans ces textes, classés par thèmes mais si divers, on trouvera le meilleur de Berl. Car il n'est jamais plus frappant que quand il réagit à une lecture ou à un événement, passe de la réaction à la réflexion et s'élève avec facilité à l'essentiel.
La lecture de Berl est l'une des plus enrichissantes qui soient, souligne Bernard de Fallois dans sa préface. Elle nous permet de rencontrer l'un des esprits les plus complets, les plus intelligents, les plus justes de notre temps.
" les objets auxquels je tenais le plus ont disparu, les passions se sont évaporées, les amitiés effilochées ; sur tant de pavés que j'ai battus, je reconnais à peine les reflets de mes propres déboires.
Une jeune fille qui, devant un lac, pense, comme tant d'autres, vaguement et vainement à la mort, est-ce donc tout le bien que m'ait concédé cette terre, en quarante années ? " sylvia n'est ni un récit biographique ni un récit romancé. les évènements et les personnes, à commencer par la sienne, n'intéressent l'auteur que comme la matière première d'une recherche et d'une expérience. il s'agit pour lui non de savoir ce qu'il est et ce qui lui advient, mais ce qui de lui subsiste.
Sylvie en est pour lui les symboles et il ne doute pas que toute vie en contienne une analogue, que chacun d'entre nous ait sa part de grâce. qu'est-ce donc que sylvia finalement ? c'est avant tout une confession et les rêveries d'un homme solitaire, en quête de lui-même, ardent à deviner le secret de sa propre charade.
Historien, journaliste, essayiste, ami de Proust, de Malraux, de Drieu la Rochelle, Emmanuel Berl (1892-1976), partisan des accords de Munich et hostile ´r la déclaration de guerre en 1939, est appelé dans l'entourage du maréchal Pétain devenu chef du gouvernement. Avec cet ouvrage paru en 1968, il se refusa ´r faire uvre d'historien, faute de la distance nécessaire ; il se voulut plus simplement mémorialiste de ce qu'il avait 'vu, senti, pensé'. Il en résulte un ouvrage irremplaçable : de fait, Berl connaît de longue date tous les protagonistes du drame qui se joue ; il est l'ami de plusieurs d'entre eux et, directeur de Marianne, il a discuté leurs décisions au fil des crises qui se succédaient ; il connaît les entourages. On fait souvent appel ´r lui, pour écrire un projet de discours de Reynaud ou bien encore deux des discours prononcés par Pétain entre la demande d'armistice ´r l'Allemagne et la fin de la IIIe République, le 10 juillet 1940. Qui ne connaît ces formules qui firent les beaux jours de la propagande vichyssoise : 'Je hais les mensonges qui vous ont fait tant de mal' et 'La terre, elle, ne ment pas'?
Berl quittera Vichy dcs le 25 juillet, pour se cacher en Corrcze, du fait de son judadsme, qu'il n'avait 'jamais eu le propos de renier', sa 'fidélité ´r l'alliance anglaise', sa certitude que la Révolution nationale était 'une inquiétante et grotesque bouffonnerie', enfin sa 'conviction, jamais ébranlée, que l'Allemagne hitlérienne serait battue'.
À la veille de subir une grave intervention chirurgicale, l'auteur s'aperçoit qu'il ne sait rien de la mort sinon qu'elle le rendra pareil aux autres morts. Il pense à eux. Déconcerté par les souvenirs qui surgissent, il s'étonne que, dans sa mémoire, les morts qu'il a connus diffèrent tellement les uns des autres. Certains sont totalement oubliés, d'autres sont passés à l'état de gisants, et la mémoire n'a aucune prise sur eux. D'autres sont dissous par la souvenance, ils n'ont plus de contours. D'autres sont pressants comme des fantômes. Comment se conduire envers eux, puisque leurs destins sont si divers? Comment éviter à la fois de perdre leur souvenir et de le profaner? Guéri, de retour chez lui, l'auteur aperçoit, à une fenêtre vis-à-vis de la sienne, l'étrange apparition d'une femme cloîtrée. Indique-t-elle une voie au bout de laquelle il serait possible de «faire sa paix avec soi-même et avec les morts»?
« Nous n'aurons pas été à l'avant-garde du monde.
Nous n'aurons pas inauguré les bombardements par avions des populations fuyantes et des villes ouvertes. Nous n'aurons pas eu les premiers la pensée de tirer hors de la tête les yeux d'hommes désarmés, pour mesurer l'extension du nerf optique. Nous n'aurons pas transformé en savon les cadavres des otages. Nous n'aurons pas réalisé la première bombe atomique.
Mais il n'est pas possible que ces excès monstrueux continuent. Il faudra bien que cet univers-là change, ou qu'il périsse. La raison devra, en fin de compte, préférer la raison à ce qui la nie, et l'homme préférer l'homme à ce qui le dévore. Pour redevenir la grande nation devant l'esprit, sinon devant la matière, pour être une fois encore la vigie très illustre de l'Occident, il suffirait, sans doute, il suffira que la France, adhérant à son propre génie, cesse enfin de se renier. »
{Méditation sur un amour défunt} (1925) ressuscite un visage de femme "qui détestait le réel et s'aimait peu soi-même", altière, fragile et bourgeoise: l'amour impossible et pur que Berl rencontra en 1913. "Est-ce que je ne l'aime plusoe Est-ce que je ne suis plusoe Où cette mort remonte-t-elleoe A quelle date puis-je dire: mon amour a fini?"
En mai 1968 paraît La Fin de la III? République d'Emmanuel Berl. Témoin privilégié des semaines qui vont de l'attaque allemande du 10 mai 1940 à l'avènement du régime de Vichy, Berl met son talent d'écrivain au service de ses exceptionnelles connaissances du monde politique pour restituer ces moments qui virent le désastre militaire de la France et la disparition de la République. Partisan des accords de Munich, hostile à la déclaration de guerre en 1939, Berl est appelé dans l'entourage du maréchal Pétain devenu chef du gouvernement. Il quittera Vichy dès le 25 juillet, mais aura eu le temps d'écrire deux des discours prononcés par Pétain entre la demande d'armistice à l'Allemagne et la fin de la III? République, le 10 juillet 1940. Qui ne connaît ces formules qui firent les beaux jours de la propagande vichyssoise, avant de figurer dans tous les livres d'histoire : «Je hais les mensonges qui vous ont fait tant de mal» et «La terre, elle, ne ment pas» ? Réédité dans la collection «Témoins», l'ouvrage de Berl est accompagné d'un dossier destiné à le replacer dans le cours de son oeuvre comme dans son contexte, et à montrer comment il fut accueilli en 1968, époque de réflexion politique bouillonnante, où l'historiographie de Vichy n'était pas encore nourrie d'archives. «Chez Berl, ce n'est pas l'intelligence seule qui parle, c'est aussi le sentiment, celui d'un homme qui ne connaît pas la haine», écrit dans sa préface Bernard de Fallois, qui fut l'ami de Berl, avant d'être l'éditeur de ses Essais.
Interview, préface et postface de Patrick Modiano. Nouvelle édition en 2003
Dans cet essai paru en 1957, Emmanuel Berl mesure avec angoisse le repli des Français sur eux-mêmes. Il s'interroge: "Pourquoi la politique en France évolue-t-elle moins comme une histoire que comme une névrose?" Un essai étonnamment actuel.
{Rachel et autres grâces} (1965) est une galerie de portraits de femmes qui ont traversé la jeunesse de Berl. Des années plus tard, sa mémoire capture, au-delà des silhouettes féminines, des climats spécifiques: le Paris des années 25, la Riviera du début du siècle, le dernier visage de l'Allemagne romantique...
L'Europe n'est-elle qu'un petit cap de l'Asie, comme l'a prétendu jadis Paul Valéry ? Emmanuel Berl retrace dans ce livre l'histoire d'un millénaire, au cours duquel les rapports entre ces deux continents devinrent décisifs pour leur évolution ultérieure. Écrit dans un style brillant, ce volume, d'une originalité profonde, qui regarde l'histoire avec des yeux neufs, ouvre des perspectives sur le monde moderne, nous permet de mieux le comprendre et de mieux saisir les problèmes d'aujourd'hui.
Connu comme un des grands intellectuels de l'après-guerre, Emmanuel Berl (1892-1976) se passionne pour la télévision dès 1954. De cette date à 1971, il écrivit dans divers journaux de nombreuses chroniques à propos du petit écran. Un téléspectateur engagé nous offre une sélection de ces textes où l'on retrouve avec émotion les noms de tous ceux qui furent à l'origine de cette fantastique aventure : Pierre Sabbagh, Jean Nohain, Léon Zitrone, Catherine Langeais, Pierre Tchernia, etc. Mais c'est aussi l'occasion pour Berl de nous parler littérature ou politique, musique ou histoire, et il n'hésite pas à passer de Malraux à Johnny Hallyday et de De Gaulle à Louis XIV.
Merveilleux critique, enthousiaste ou cinglant, Emmanuel Berl nous permet de redécouvrir intacte la télévision d'hier et de mieux comprendre en quoi elle contenait déjà le meilleur et le pire.
Coffret de trois volumes vendus ensemble
Avec Les Imposture de l'histoire, paru pour la première fois en 1959, Emmanuel Berl revient sur de grands événements de l'histoire de l'Occident auxquels il donne une nouvelle interprétation, loin des légendes, des clichés et des idées reçues.
Pourquoi faisons-nous de Cléopâtre une « fille du Nil entourée de magiciens » alors qu'elle était descendante d'une des plus grandes familles grecques ? Sait-on que Charles Martel, avant de contenir les Arabes, était venu à Poitiers pour soutenir un allié d'un sultan musulman ? Pourquoi la guerre de Charles VIII contre Naples passe pour être un fiasco militaire alors qu'elle fut une succession de victoires ? Pourquoi les historiens ont présenté le discours de Robespierre du 9 thermidor comme la raison de sa chute alors qu'il a, en fait, été acclamé par l'assemblée ?
Emmanuel Berl ne se contente pas de réhabiliter la vérité, il revient sur tout le processus d'interprétation qui a conduit les historiens, puis les peuples, à tenir un mensonge pour une vérité incontestable. Comme l'aurait déclaré Napoléon, Berl nous ramène à « ce mensonge que personne ne conteste : l'Histoire ».
S'il est un auteur pour happy few, Emmanuel Berl n'a jamais été oublié. Ses livres ont constamment été republiés depuis sa mort il y a presque cinquante ans désormais. Ce recueil d'articles qui n'ont jamais été regroupés en volume constitue une formidable introduction à sa pensée et à son style. Emmanuel Berl s'est illustré dans de nombreux genres journalistiques : critique littéraire, chroniqueur, mémorialiste, reporter, commentateur. Berl ne cesse d'être à l'écoute du monde. On retrouvera dans ces pages nombre d'écrivains qui ont jalonné sa vie et qu'il a su comprendre : Freud, Proust, Bergson, Morand, Cendrars, Céline, Cocteau, Mauriac, Simone de Beauvoir, Sagan, Soljenitsyne et tant d'autres. Avec Berl, le feu d'artifice est permanent. Ce recueil composé avec soin par Olivier Philipponnat, son biographe, est un régal de l'esprit. Il montre à quel point Berl fut un auteur important.
Au XVIII siècle, l'Histoire était généralement exempte des passions nationales : les historiens du XIX siècle et, plus que tous les autres, les historiens allemands s'y adonnèrent avec une croissante frénésie. Ils transformèrent en arsenaux les archives. L'Europe du XX siècle est sans doute trop menacée, elle devient trop misérable pour le luxe monstrueusement onéreux de ses antagonismes nationaux. Elle doit prendre, et elle prendra, une conscience toujours plus claire de ses profondes solidarités. Aux histoires de ses diverses patries, elle substituera celle de leur commun passé. Ce premier volume considère l'Occident chrétien d'Attila à Tamerlan : c'est l'épopée de la Chrétienté gothique. Entre la Louve et le Croissant, l'Europe, qu'après le désastre de Rome l'Asie menace de submerger, se ressaisit et se reforme : les Croisés poussent ses frontières jusqu'à la Syrie. Les contradictions du césaropapisme, les guerres intestines, les hérésies, la retombée de l'élan vital - dans l'Islam comme dans la Chrétienté - ouvrent une chance nouvelle à l'Asie, qui, en cinq siècles, produit les empires formidables et précaires des Khitais, des Ghaznévides, des Seldjoucides, de Gengis Khan, de Mengou, de Bajazet, de Tamerlan. Si bien qu'à la fin du XV siècle, l'Occident paraît promis aux mêmes périls qu'il avait surmontés entre le V et le X siècle. Il va d'ailleurs les surmonter encore par un nouveau miracle culturel : les grandes découvertes, l'humanisme et la Renaissance ; les sédentaires l'emportent décidément sur les nomades. Ce millénaire, si longtemps méconnu, est pourtant celui qui comporte pour nous les plus précieuses leçons.
Avec le XVIe siècle, un monde finit et un autre monde naît. C'est une banalité, mais aussi une vérité. Depuis plusieurs millénaires, une culture méditerranéenne se cherchait, se trouvait, se perdait, s'effondrait et se rebâtissait derechef; désormais, une culture atlantique s'élabore; sa tragique éclosion n'est sans doute pas terminée. Elle en est encore à sa période épique. Et les peuples artisans de cette épopée n'ont pas encore pris une conscience claire de sa grandeur. L'épopée européenne aura ses Homères et ses Plutarques; on sait bien, on finira par sentir que les navigateurs occitaniens ont modifié à jamais l'équilibre millénaire du monde en faisant entrer en scène les Amériques; l'oeuvre des Russes, qui n'est guère moins grande, est encore plus ignorée. Depuis l'origine des civilisations, les nomades de la steppe avaient abattu tour à tour les grands empires, les grandes cultures et les grandes cités, ils avaient ruiné l'Égypte de Ménès et la Crète de Minos avant de submerger l'empire romain, l'empire chinois, l'empire maurya, le grand Islam des Omeyyades, la grande Perse des Abbassides. La victoire des Russes sur les Mongols de la Horde Dorée, la lente conquête de la steppe depuis Sibir jusqu'à Vladivostok ont renversé le cours de l'Histoire et transformé tous les destins de l'humanité. La suprématie qu'on croyait éternelle de la steppe sur le champ et du reître sur le paysan cessa. Le travail s'avérait enfin plus fort, plus efficace que le pillage. Cette histoire-là, la vraie, c'est, nous en sommes persuadés, l'histoire de demain. Les hommes finiront par connaître que ce qui les divise importe moins que ce qui les rassemble.
Ce troisième et dernier volume de la célèbre Histoire de l'Europe est resté inédit jusqu'à ce jour. Emmanuel Berl y peint une crise qui débute vers 1740. L'équilibre de l'Europe classique va être détruit. Le triomphe de la raison s'accompagne de la croissance de l'État. La révolte féodale, la fin de la monarchie absolue, l'avenement du libéralisme démocratique sont autant de signes que désormais l'État ne semble plus fait pour la Nation, mais la Nation pour l'État. Emmanuel Berl poursuit avec la Première République et le 18-Brumaire.
L'État est devenu dictatorial. Succédant à vingt-trois années de guerre, le congrès de Vienne traite l'Europe comme une grande malade et instaure le «concert européen» qui va assurer la paix pour cinquante ans. Mais lorsque les émeutiers de 1848 brûlent l'hôtel de Metternich, à Vienne, c'en est fait de l'Europe dynastique. L'Europe «nationalitaire» commence. La nouvelle crise révolutionnaire, le progrès mécanique, et jusqu'aux idéologues, vont assurer la toute-puissance de l'État, sa dictature. Mais chaque renforcement des États occidentaux, des empires qu'ils construisent, coïncide en fait avec le déclin de l'Europe et la montée d'autres parties du monde. C'est que, de tout temps, montre Emmanuel Berl, «l'Europe paraît éprouver une sorte de répulsion envers l'unité». Analyse pessimiste qui mérite toujours d'être méditée.