Auteur d'une vingtaine de livres et de plusieurs centaines d'articles, parent de Bergson et de Proust, ami de Drieu La Rochelle et de Malraux, Emmanuel Berl a occupé une place importante dans la littérature de l'entre-deux-guerres.
Il est aujourd'hui très injustement oublié. Voici l'occasion de découvrir un des " grands méconnus " de ce siècle. Modèle d'esprit critique, sans conformisme, sans sectarisme, sans dogmatisme, il est un représentant très original de la pensée libérale. Il est aussi, par l'acuité de son jugement et la limpidité du style, un grand moraliste français. Essayiste, historien, pamphlétaire, journaliste politique, écrivain d'art, mémorialiste, Berl a touché à beaucoup de genres.
Il passe de Tamerlan à l'affaire Dreyfus, d'un cours de Bergson à une lecture de Simone Weil, de la sagesse de Goethe à l'amour chez Proust, de la Kabbale à la psychanalyse. Il lit, il regarde, il écoute, il réfléchit, il commente. A travers mille anecdotes, portraits, souvenirs ou citations, il s'interroge aussi sur l'oubli, le progrès, le langage, la culture, la réflexion, la mort. Il avait un goût extrême de l'amitié.
Dans les hommages qu'il a rendus à tel ou tel de ses amis - Daniel Halévy, Martin du Gard, Camus et bien d'autres -, c'est lui que nous voyons comme dans un miroir. Dans ces textes, classés par thèmes mais si divers, on trouvera le meilleur de Berl. Car il n'est jamais plus frappant que quand il réagit à une lecture ou à un événement, passant de la réaction à la réflexion et s'élevant avec facilité à l'essentiel.
Il faut lire les écrivains morts non pour les juger mais pour la nourriture qu'ils nous apportent. La lecture de Berl est l'une des plus enrichissantes qui soient. Elle nous permet de rencontrer l'un des esprits les plus complets, les plus intelligents, les plus justes de notre temps.
À la recherche du temps perdu est l'un des plus grands livres du XXe siècle. De Proust on a dit qu'il était toute la littérature, comme Bach était toute la musique. Pourtant, nombreux sont encore ceux qu'il intimide ou qu'il déconcerte. Cette introduction a été composée à leur intention par l'un des meilleurs connaisseurs de son oeuvre, Bernard de Fallois, qu'une savante publication universitaire, la revue Genesis, qualifie de «proustien capital». Mais que l'on se rassure. Peu soucieux d'en imposer par le poids de l'érudition, Bernard de Fallois vise surtout la limpidité, la concision, la clarté qui n'exclut pas, bien au contraire, la densité de son propos. Il parvient à mettre à la portée de tous l'essentiel de ce qu'il faut savoir pour lire intégralement cette oeuvre capitale, pour admirer sa nouveauté, mesurer sa grandeur qui va de pair avec un génie comique rarement égalé depuis Molière.
Cette introduction est également complétée par un précieux recueil de maximes et de pensées glanées au cours des pages de la Recherche. Elles rappellent que notre plus grand romancier fut aussi le plus parfait continuateur des moralistes du Grand Siècle.
Savoir entendre la Bible.
Tout d'abord quelques mots sur le titre qui pourrait paraître ambigu ou énigmatique.
On se souviendra d'un texte célèbre de Nietzsche (Unzeitgemäße Betrachtungen) traduit tantôt par Considérations inactuelles, tantôt par Considérations intempestives («qui vient à contretemps», ou si l'on préfère dans le français d'aujourd'hui «dérangeantes»).
Les deux idées sont présentes dans le texte de Michael Edwards : la doctrine chrétienne bien entendue heurte les conceptions collectives courantes et se situe hors du temps.
C'était déjà le cas lorsque l'Évangile (la Bonne Nouvelle) fut diffusé il y a plus de deux mille ans dans le monde gréco-romain.
De ces prémisses Michael Edwards conclut que nous devons lire la Bible sans souci de modernisation, sans commentaires, sans interprétation et sans gloses.
Pour résumer sommairement son propos on pourrait dire qu'il offre ici une leçon magistrale de lecture biblique.
Le livre se compose de 11 chapitres provenant en partie de conférences ou de contributions à des ouvrages collectifs publiés entre 2016 et 2019.
Il s'interroge sur la nature du christianisme, sur celle de la Foi (quelle forme de savoir constitue-t-elle) et sur les sentiments de Joie qu'elle prodigue. Il développe ensuite certains des thèmes déjà traités par lui dans Bible et Poésie (Éd. de Fallois, 2016) et nous introduit en poète dans la poésie de la Bible, sans omettre une analyse critique des appauvrissantes traductions de la Bible en langage courant d'aujourd'hui (ch. 8, L'oeuvre charitable de la traduction). L'essai s'achève par des considérations de doctrines d'inspiration pascalienne.
Comme Bible et Poésie, cet essai n'est pas simplement destiné à un public confessionnel.
Lire la Bible (on pourrait dire la même chose d'Homère ou de Virgile) est l'une des aspirations profondes de tous ceux pour qui la notion de culture n'est pas un vain mot et ne se limite pas à «l'actualité littéraire», qu'ils soient ou non croyants. Michael Edwards, par la finesse et la précision de sa propre lecture, est un guide précieux et sûr pour s'engager dans cette entreprise.
Née il y a plus de deux millénaires et demi, la tragédie grecque est, aujourd'hui encore, d'une étonnante vitalité. Chaque année, les oeuvres d'Eschyle, de Sophocle ou d'Euripide inspirent les metteurs en scène les plus novateurs. C'est d'elle qu'est né notre théâtre classique, tout comme certaines de ses réécritures modernes parmi les plus célèbres, que l'on songe à Jean-Paul Sartre, à Jean Anouilh ou à Cocteau.
Et que dire de la scène lyrique, voire même de la psychologie des profondeurs" ou de la pensée politique ? Les études et les essais rassemblés dans le présent volume éclairent le miracle de sa naissance, montrent l'étendue de son rayonnement après avoir mis en lumière le génie individuel de chacun des trois grands poètes athéniens du Ve siècle avant Jésus-Christ, si souvent imités au cours des siècles et rarement égalés.
Mais ce livre est loin d'énoncer les idées générales que l'on pourrait trouver ailleurs sur l'histoire du genre tragique. Par une étude minutieuse de quelques oeuvres exemplaires, dont les hellénistes apprécieront la rigueur et dont les autres admireront la clarté, Jacqueline de Romilly nous apprend à lire et à relire ces textes fondateurs de la tradition occidentale où Marguerite Yourcenar voyait "une tentative de langage universel" (En pèlerin et en étranger).
Le latin, celui des grands auteurs de l'Antiquité dont se sont nourris nos classiques, de Montaigne à Giraudoux, mais aussi celui que nous utilisons encore tous les jours sans même nous en rendre compte, est un trésor à redécouvrir.
- parce que c'est le fondement même de notre langue et sa forme première.
- parce qu'il forge nombre de nos idées.
- parce que les images, les métaphores, les modes d'expression que nous utilisons en sont bien souvent issues.
- parce que la plupart des grands pays d'Europe partagent le même constat.
Mais surtout parce que s'intéresser au latin ce n'est pas simplement se tourner vers le passé : c'est mieux comprendre ce que nous sommes et donc ce que nous devenons.
Le latin, langue du futur?
À première vue, on jugera que c'est un simple paradoxe.
Pour nous convaincre de sa profonde vérité, Nicola Gardini a choisi dix mots qui, dans leur forme comme dans leur sens, n'ont cessé de rayonner dans l'histoire de notre civilisation et dont la fécondité continue de s'affirmer. En voici quelques-uns : Ars, signum, modus, memoria, virtus, spiritus, stilus...
La méthode suivie par l'auteur est de partir de l'étymologie (les «racines») et de nous conduire jusqu'au monde contemporain.
Un exemple, succinctement, l'illustrera : prenons le mot stilus. Il désigne à l'origine une pointe acérée. Cela peut être une arme (stylet), mais aussi l'instrument utilisé pour écrire, notamment sur des tablettes enduites de cire. Guidé par la main il transmet ainsi quelques traits marquants de celui qui écrit. D'où le sens plus largement répandu de «style» dans le domaine artistique ou littéraire. Mais les modernes «stylistes» qui travaillent pour les grands couturiers rendent hommage (parfois sans le savoir) au sens premier du mot-racine. De même les concepteurs de «performances» (le dernier cri de la création dramatique) sont eux aussi soucieux de voir reconnu dans la presse leur «style».
Promenade guidée à travers deux millénaires - et même un peu plus - d'histoire littéraire occidentale, ce livre ne quitte pas un instant la vie d'aujourd'hui.
Que l'on soit ou non latiniste, ce petit livre est une invitation à explorer notre univers mental et chacun peut, à son tour, en appliquer la méthode à d'autres mots : humanité (humanitas), cité, civis (civis, civitas), etc.
Jeanne Proust (1849-1905), la mère de Marcel Proust, consacra toute sa vie de longues heures à la lecture, une passion partagée par tout un milieu: cette bourgeoisie israélite du XIXe siècle «où l'on cultivait avant tout les choses de l'esprit» et où «le prestige de l'Université, de l'intellectualité dominait celui de l'argent, même dans les milieux d'affaires», pour reprendre les propres termes d'Emmanuel Berl.
Dans un cahier intitulé Souvenirs de lecture, Jeanne Proust relevait les réflexions, les maximes, les répliques dignes d'orner sa mémoire ou sa conversation.
Il nous met directement en contact avec l'héritage intellectuel reçu des siens par le plus grand écrivain français du XXe siècle.
Il éclaire les affinités profondes - ainsi que les différences - entre mère et fils.
Ce florilège ne fait pas simplement entendre les notes dispersées de cette sonate familiale. Il livre la clé de quelques personnages essentiels, comme la grand-mère du Narrateur ou la marquise de Villeparisis.
Pour Offenbach, pour Hemingway, " Paris est une fête ".
L'Europe s'en était persuadée dès 1715. Tournant le dos à Versailles, la capitale française prit alors son élan, entraînant dans son sillage l'Europe enchantée, pour une chasse au bonheur inséparable d'un festin des esprits. L'humoriste Marcel Duchamp en 1940 emporta en Amérique des bouteilles remplies d'air de chaque arrondissement parisien ! La langue française était en effet devenue depuis le XVIIIe siècle l'oxygène de haute montagne que l'on ne respirait qu'à Paris et dont on ne pouvait plus se passer une fois qu'on lui avait confié son souffle et les battements de son coeur.
L'essor de cet appétit de vivre en beauté coïncida avec l'été indien de la plus ancienne et brillante aristocratie de l'Europe monarchique. Amie des arts et de toutes les grâces, elle s'est montrée aussi intransigeante sur le style et sur le goût que libérale dans les idées et les moeurs. Londres, Berlin, Vienne, Saint-Pétersbourg, Stockholm, Varsovie et même Rome, Madrid et Philadelphie, qu'elles fussent en guerre ou en paix avec Versailles, brûlèrent en privé de vivre gaîment et spirituellement en français, à l'heure et à la manière de Paris.
C'est cet extraordinaire phénomène d'une ville et d'une langue devenues l'objet du désir universel que raconte ce livre, galerie de portraits et de brèves biographies d'étrangers amoureux du français au siècle des Lumières. La Terreur de 1792-1794 renversa ce roman d'amour en cauchemar sanglant. Mais l'élan pris avait été si ardent, et il avait laissé des souvenirs si inoubliables, que même après 1815, Paris a été encore regardé comme la corne d'abondance des vraies joies, et la conversion à notre langue comme l'indispensable moyen d'accès à un esprit et des plaisirs that money cannot buy.
Cet essai non conventionnel, dépourvu de tout caractère académique, ne se contente pas de jeter une lumière nouvelle sur l'un des grands poètes de la latinité.
Il invite à une réflexion très actuelle sur l'importance et l'art de redécouvrir les classiques.
Pourquoi Ovide? Parce que, plus encore que Virgile, c'est l'une des sources les plus fécondes de la poésie et de l'art occidentaux.
Montaigne nous dit que c'est avec lui qu'il prit «?le goût des livres?» et c'est avec lui que d'innombrables générations ont découvert les beautés de la mythologie. La poésie et l'art lyrique ont puisé à pleines mains depuis la Renaissance dans son oeuvre majeure - Les Métamorphoses.
Tout cela a été dit maintes fois.
Le propos de Nicola Gardini est plus original.
Dans l'esprit d'une certaine critique moderne qui s'efforce de dépasser la recherche érudite pour accéder, par l'étude des seuls textes, à la pensée intime d'un auteur, à sa vision personnelle, à son «moi profond», Nicola Gardini - pour reprendre l'expression, désormais célèbre de Marcel Proust - met au jour le principe unificateur qui se retrouve dans toutes les oeuvres du poète.
Ce principe, c'est la loi du changement, l'instabilité, la mutation constante des formes vivantes et, par voie de conséquence, celles des sentiments, des États, des relations entre tous les éléments de l'univers.
C'est, bien sûr, le thème des Métamorphoses, mais il est ébauché dès ses premiers recueils considérés souvent à tort comme de simples badinages (l'Art d'aimer, les Annales, les Remèdes à l'amour) et repris, avec plus de gravité, dans les grands poèmes de l'exil (les Tristes, les Pontiques).
Ovide (43 av. JC - 18 ap. JC) avait tous les dons requis pour devenir le grand poète national de la Rome impériale après Virgile (70-19 av. JC). Il avait d'ailleurs célébré dans Les Fastes les fêtes du calendrier romain.
Il fut pourtant exilé brusquement par Auguste en 8 ap. JC et finit ses jours misérablement sur les bords de la mer Noire - autant dire au milieu des Barbares.
On a formulé de nombreuses hypothèses sur cette sentence. Aucun historien, en deux mille ans, n'a pu trouver des raisons certaines.
Pour Nicola Gardini, une évidence s'impose?: le principe d'instabilité et d'incertitude, que l'on découvre au coeur de ses livres, est radicalement incompatible avec l'idéologie impériale qui suppose la fixité de l'ordre sismique, la stabilité des relations entre les êtres, la rectitude du devenir historique. Pour Auguste, Ovide était donc «un dangereux esprit», comme Fénelon aux yeux de Louis XIV.
Mais c'est aussi cette incompatibilité et le caractère imprévisible des changements chantés avec tant d'éloquence par Ovide qui confèrent à son oeuvre, pour nous, son éternelle jeunesse.
Au-delà des considérations coutumières sur la valeur formatrice des Humanités, Nicola Gardini s'adresse ici directement aux jeunes gens qui découvrent le latin, et aux moins jeunes qui en gardent la nostalgie.
En une vingtaine de brefs chapitres, il retrace l'histoire de cette langue sans laquelle la nôtre ne serait pas; il fait comprendre les grandes étapes de son évolution d'Ennius à saint Augustin; il montre la puissance et l'étendue de son rayonnement jusqu'au seuil du monde contemporain. Son chaleureux discours est illustré par un large choix de textes, présentés dans leur version originale, puis traduits et commentés. La langue qu'il nous apprend ainsi à goûter se fait entendre par la voix de ses plus glorieux témoins.
Son plaidoyer est aussi un cri d'alarme.
Sans verser dans l'utopie passéiste, il montre pourquoi il est urgent de redonner au latin une place raisonnable dans notre enseignement, sous peine de nous laisser submerger bientôt par le "pidgin" de la communication et des médias, ou par le bavardage des blogs et des textos; bref, de ne plus avoir sous les yeux qu'un paysage culturel rétréci et défiguré car des pans entiers de nos enseignements littéraires sont comme adossés à la langue de Virgile et de Cicéron.
Le latin, rappelait naguère Paul Valéry, c'est "la langue à laquelle nous devons ce qu'il y a de plus solide et de plus durable dans les monuments de la nôtre". Nicola Gardini nous rappelle l'importance de ce qui est ici en jeu. Il est grand temps d'écouter son message.
Histoire ? Théâtre ? Roman ? À la lumière de nombreux documents inédits, la biographie de Talma est un peu celle de son siècle, agité, contradictoire, fascinant. La vie de ce grand acteur fait revivre des temps troublés où tout changea, de l'Ancien Régime expirant à la crépusculaire Restauration en passant par la Révolution et l'épopée napoléonienne. Presque un siècle de l'histoire de la société française prise entre un désir de changement et un immobilisme frileux, avec des espérances et des illusions, des problèmes aussi, proches des nôtres : heurt des générations, rivalités, luttes d'influences, drames de l'endettement... Dans les pas de Talma, on rencontre le peuple dans sa vie quotidienne et les puissants du jour, aux grandes heures de l'Histoire : Robespierre, Danton, les Girondins, Napoléon et aussi Louis XVIII ou Charles X. Dans cette vaste fresque aux portraits insolites circulent les écrivains, Mme de Staël, Chateaubriand, Hugo, les artistes, David, Delacroix, Méhul, les acteurs, en particulier ceux de la Comédie-Française, jadis unie, puis désunie et enfin réunie au Théâtre-Français de la rue de Richelieu. La vie de Talma, témoin et acteur de l'Histoire, est aussi celle d'un véritable héros de roman, tardivement venu au théâtre après avoir été dentiste comme son père, étonnant autodidacte, paysan du Nord devenu valet de chambre puis dentiste à Paris, ensuite à Londres. Homme de son temps par la sensibilité, acteur hors du temps par son génie créateur et sa conception de l'art dramatique, Talma ne cessa d'osciller de l'être au paraître, de jouer des rôles à la scène et à la ville, dans un siècle qui est un peu notre Avant-Mémoire.
Au XIXe siècle, les voyageurs au long cours emportaient dans leurs bagages une bibliothèque portative.
Ce livre est l'équivalent moderne de ces coffrets d'autrefois, pour lesquels les éditeurs faisaient imprimer et relier dans le même format une collection d'oeuvres choisies d'auteurs anciens et modernes. Pour le prix d'un seul volume et sous une brochure unique, celui-ci n'en contient pas moins de quinze, beaucoup moins encombrants en voyage que les coffrets pesants du siècle de Jules Verne. Chacun de ses chapitres peut en effet être lu comme un tout, à part et à loisir.
Chacun contient l'esprit soit d'un grand auteur classique, Milton, Rousseau, Mme de Staël, Byron, Tocqueville, Baudelaire, Joseph Conrad, Marcel Proust, soit d'un poète inconnu et qui vaut la peine d'être découvert, Fontanes, Ballanche, soit le portrait d'un héros ou d'une héroïne célèbre, Napoléon, Talleyrand, Pauline de Beaumont, Mme Récamier. Tous ces auteurs et tous ces personnages se rattachent en effet les uns aux autres par le dialogue que Chateaubriand a poursuivi avec eux, au cours de son voyage d'Ouest en Est, d'Est en Ouest, du Nord au Sud, de saison en saison, pour comprendre le " siècle des révolutions ", le sien, le dernier siècle au cours duquel la France était en mesure d'orienter le destin du monde et dont il lui revenait de dire à la fois la grandeur et l'échec.
L'intrigue qui fait l'unité de ce livre-gigogne, c'est la lente genèse, répartie sur près d'un demi-siècle, d'un chef-d'oeuvre poétique et politique : les Mémoires d'outre-tombe. Les enjeux de cette intrigue, mais aussi son décor, c'est l'histoire de France cassée en deux tronçons par la Terreur de 1792-1794, c'est le tremblement de terre, ininterrompu jusqu'à nos jours, dont cette tragédie reste l'épicentre, et ce sont les régimes éphémères qui se sont hissés tour à tour en France, du vivant de Chateaubriand, sur ce terrain mouvant.
C'est aussi l'itinéraire, dans ce siècle, d'un esprit libre, qui fut un immense écrivain et une âme religieuse, ravagé et mis au défi par la face de Gorgone de la Terreur.
Stendhal n'est pas un écrivain comme les autres. Il nous a laissé tant de confidences sur lui-même que nous avons l'impression de le connaître à fond, ou en tout cas davantage que beaucoup de personnes de notre entourage. Ce n'est pas en vain qu'il a confié le destin de son oeuvre aux " amis inconnus ". Depuis sa disparition, ils ont répondu " Présents ! " à son rendez-vous et forment une chaîne ininterrompue de complices indéfectibles.
L'auteur de ce livre a consacré une grande part de sa vie professionnelle et privée à fréquenter Stendhal et ne s'est jamais lassé de sa compagnie. Valéry disait qu'avec lui on n'en finirait jamais. Rien de plus vrai. Mais que signifie ce commerce endurant ? Au-delà du mystère des atomes crochus et des affinités électives, qu'implique-t-il au juste ? La fréquentation assidue d'un écrivain favori a-t-elle des incidences concrètes sur le comportement, les goûts, les idées ? Depuis les circonstances les plus banales de l'existence quotidienne jusqu'aux grands engagements politiques ou amoureux, on témoigne ici par l'exemple de l'étrange pouvoir qu'a toujours exercé Henri Beyle sur ceux qui l'ont élu comme maître à penser et à vivre - à moins que ce ne soit lui qui ne les ait choisis, ces " happy few " heureusement nombreux, dont chacun est intimement persuadé d'être le préféré, pour converser avec eux au-delà de la mort. Fantôme tendre et ironique, il se mêle à la trame de leurs jours, il est toujours là derrière leur épaule pour les rappeler à l'ordre des valeurs beylistes : rigueur dans l'exercice de l'esprit, folie dans les entraînements du coeur.
Bref, qu'est-ce qu'" être stendhalien " ? Quel est le secret de ce couple qui a fêté ses noces d'or : Stendhal et moi ?
Si l'écologie est une science rigoureuse, l'écologisme est son contraire. C'est une idéologie de combat dressée contre l'économie de marché. Elle émerge au cours des années 1970, dans la mouvance de la gauche américaine. Les «nouvelles droites» s'y retrouvent également. Les milieux populaires la rejettent.Son hégémonie médiatique est écrasante. Pourtant, aucune de ses prophéties catastrophistes ne s'est concrétisée. Au lieu des désastres annoncés et ressassés famines, épuisement des ressources naturelles, disparition de la biodiversité, pénurie d'eau, etc. l'humanité enregistre des progrès spectaculaires (même s'il reste encore beaucoup à faire).
Malgré les cinglants démentis que les faits leur opposent, les écologistes poursuivent inlassablement leur pastorale de la peur et multiplient les victoires politiques. Ces trophées sont, en dépit des apparences, autant de périls pour la planète.
Hyper-malthusianisme contemporain, l'écologisme ne voit d'autre solution pour «sauver» la planète que d'imposer la «décroissance productive» et «la frugalité heureuse». Il récuse la croissance économique quand tout démontre qu'elle est la seule voie de salut. Les immenses réserves d'intelligence qui permettraient l'épanouissement de dix milliards d'individus risquent d'être pétrifiées. Est-ce vraiment le retour à l'Âge d'or qui nous est promis
Ce sont des mémoires pour rire, nous dit l'auteur.
En deux cents pages, et quatre chapitres, alternant souvenirs et réflexions, sur le ton charmant de la conversation qu'elle a aujourd'hui avec ses lecteurs, comme elle l'avait jadis avec ses élèves, jacqueline de romilly nous raconte les histoires drôles de sa vie.
Cinq ou six moments de la vie de l'auteur l'ont amené à vouloir en comprendre l'éblouissement et l'émerveillement qu'ils ont provoqué en elle. Elle se demande alors : le temps dans lequel nous vivons est-il le seul ?, y en a-t-il un autre que nous ne voyons pas et qui serait d'une autre nature ?
Une enquête passionnante sur une femme mystérieuse, Jeanne Loviton, plus connue sous son nom de plume de Jean Voilier (1903-1996), pseudonyme qu'elle adopta en 1935. Née de père inconnu, ce n'est que dix ans plus tard, lors du mariage de sa mère, une artiste, avec un éditeur, Ferdinand Loviton, qu'elle sera reconnue. Elle a été le dernier et probablement le plus grand amour de Paul Valéry. Tout au long du livre nous lisons d'admirables lettres du poète à sa muse. Elle a été aussi une femme d'affaires remarquable. Elle a dirigé deux maisons d'édition. Elle avait acheté à la fin de la guerre les Éditions Denoël, dont le fondateur, Robert Denoël, qui fut l'éditeur de Céline et qu'elle souhaitait épouser, fut assassiné en décembre 1945. Elle jouait admirablement ses deux rôles de femme d'affaires et de femme du monde, ce qui forçait l'admiration de certains et en entraîna d'autres à user à son égard des pires calomnies. Elle a eu des amours multiples : ses admirateurs les plus célèbres furent, outre Paul Valéry, Jean Giraudoux, Saint-John Perse, Curzio Malaparte, quelques hommes politiques, certains hommes d'État et aussi quelques femmes remarquables et remarquées. Ce portrait d'une femme, dont François Mauriac disait qu'elle aura été " le dernier personnage romanesque de ce temps ", se lit comme un roman. Et pourtant tout est vrai.
A l'encontre de l'idée reçue qui voudrait que la Bible soit au fondement d'une morale universelle, Jean Soler entend démontrer que les lois attribuées à Moïse, à commencer par les Dix Commandements, ne s'adressent qu'aux Juifs et visent à assurer l'unité et l'identité de leur peuple.
L'auteur explique ensuite comment le judaïsme rabbinique, à l'ère chrétienne, a étendu et complexifié cet ensemble de prescriptions jusqu'à lui faire atteindre le nombre de six cent treize commandements.
Malgré mes réticences à me tourner vers le passé, je me suis résolu à mettre par écrit des moments de ma vie pour deux raisons. Cet exercice m'a d'abord permis d'éclairer, à l'intention des lecteurs qui me suivent, l'arrière-plan de mes essais sur Dieu. Il n'y a pas d'un côté ma vie et de l'autre mes idées. Ma vie et mes idées forment un écheveau indémêlable. Ce livre de souvenirs m'a fourni aussi l'occasion de porter témoignage sur ce qu'a pu connaître de marquant, en France et dans plusieurs pays où j'ai vécu, un homme de ma génération.
Du reste, par bien des côtés, ces deux raisons se confondent. J'ai conçu ce livre comme un document, un montage de faits significatifs, qu'ils soient personnels ou impersonnels, en lien avec la vision du monde et les réflexions qui ont alimenté mes essais". Jean Soler
" La palette de sa plume dans Arts est très diverse : il est parfois " reporter " (" Les femmes de Dior ", " Huit jours chez Dasté "), et parfois il donne un fragment autobiographique (" Marie et les gosses rouges "). Le plus souvent, il tire des flèches : sur le Pouvoir qui cherche à inféoder les écrivains (" Voyez caisse "), les édiles qui laissent défigurer Paris (" Paris n'est pas Sables-D'or-les-Pins "), les hommes politiques dont il déplore la langue de bois et le manque résolu de grâce dans l'expression (" C'est mon opinion et je la partage "). Quelques-uns des meilleurs articles sont ceux dans lesquels il s'oppose aux bons sentiments et à ce qu'on n'appelait pas encore le " politiquement correct " (" La noirceur persil "), ceux dans lesquels il démonte le fonctionnement des médias, et leur mécanisme de désinformation et de mise en scène spectaculaire. Ainsi, à propos du mariage de Grace Kelly, ou de la naissance de Caroline de Monaco, il a une vision prophétique de ce qu'est la presse d'aujourd'hui.
Ce qui fait le prix de ces articles, c'est une intelligence et une lucidité jamais en défaut ".
Christophe Mercier.
Dans les années 50 et 60, Olivier Chevrillon collabore à la revue Esprit et au Club Jean Moulin.
Au cabinet d'Alain Savary, il prend part aux négociations d'indépendance du Maroc et de la Tunisie. Principal collaborateur de Gaston Defferre lors de sa campagne présidentielle de 1964-1965, il participe à l'élaboration du Défi américain de Jean-Jacques Servan-Schreiber avant que celui-ci ne lui confie la responsabilité de L'Express. En 1971 il propose à d'anciens rédacteurs en chef de cet hebdomadaire le projet qui deviendra Le Point grâce à l'appui du groupe Hachette.
Il reste jusqu'en 1986 le patron et l'éditorialiste du Point. Il sera directeur des Musées de France de 1987 à 1990.
Ancienne et elle a beaucoup changé. Pourquoi, à propos d'un roman de Tolstoï, d'une pièce de théâtre de Tchekhov, d'un ballet de Tchaïkovski, revient si souvent l'expression l'âme russe ? Pourquoi attribue-t-on à cette âme la qualité de mystique ? Ce sont des façons de parler, mais elles ont une histoire.
Pour en retrouver l'origine il faut remonter à des orientations religieuses très anciennes. Alain Besançon a essayé d'en suivre le destin compliqué de siècle en siècle. Français, nous avons admiré ou détesté la Russie pour les motifs les plus opposés. Pour sa religion, son antireligion, sa barbarie, ses réalisations, son conservatisme, ses révolutions. Nous l'avons aimée ou haïe d'un amour de tête ou d'un amour de coeur, portés par nos propres passions, sans avoir pris la peine de l'étudier ni de la connaître comme elle est vraiment.
La Russie est ce qu'elle est et nous lui rendons mieux justice en écartant le prisme déformant des passions françaises.