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Les quatorze récits regroupés dans cette nouvelle édition de Combats répondent à un schéma narratif unique : un gang d'individus masqués et costumés entre par effraction dans un lieu, y affronte une autre bande de types masqués et costumés, puis s'en échappe. Il s'agit chaque fois de se rendre d'un point A vers un point B en occasionnant un maximum de casse et en défaisant un maximum d'adversaires, tandis qu'au plus haut de la forteresse ennemie, en son coeur le plus retiré et le plus dangereux, se tient un boss à neutraliser...
De ce synopsis de jeu vidéo d'arcade, Yûichi Yokoyama tire d'inlassables combinaisons de formes, enchaînements d'actions, inventions de situations et d'images. Dans des décors géométriques rendus hostiles par l'accumulation d'onomatopées agressives, ses personnages font feu de tout bois. Sabres, assiettes, couteaux, robinets, canons, fleurs en pot, roquettes ou livres sont indifféremment placés au service d'un intense déferlement d'actions sans affect, sans réalisme ni morale, dont il reste impossible de cerner les motivations. Prenant tour à tour l'allure de missions commando, d'expéditions punitive ou de guerres mafieuses, ces affrontements paraissent, à l'image de la bande dessinée qui les porte, venir de nulle part et vite s'y enfuir.
Vingt ans après sa première parution, cette réédition de Combats est augmentée de cinq récits inédits, d'un texte de présentation largement illustré, et d'un entretien avec l'auteur. -
Poussée par son « âme rêveuse », Maximilienne est montée en autostop à Paris.
Grâce à une petite annonce, elle trouve une place dans un atelier non loin de la Bastille, déjà partagé par Camille et Charlotte. Elle entend s'y consacrer à la bande dessinée. La vie est rude, le pain est cher. Mais très vite, au contact de ses compagnons, artistes exaltés et affranchis, Max découvre l'excitation intellectuelle et politique de la capitale. Comme Charlotte, Paris est en colère. Le peuple gronde. Les cahiers de doléance ne suffisent plus. Les BD de Diderot et Mirabeau sont has been. On parle de plus en plus d'un certain Marat. Au volant de sa Peugeot 204 ou de son Ami 6, on fume des clopes, on parle liberté de la presse, on se monte la tête. On fulmine. On n'en peut plus des petits marquis !
Un jour, la foule prend la Bastille. L'Assemblée nationale se constitue, Charlotte s'y engage : l'histoire est en marche, et ce ne sont pas quelques anachronismes qui l'empêcheront d'avancer...
Timide mais éprise de la liberté et de son art, Maximilienne est partagée entre le calme et la délicatesse du lumineux esthète Camille, et les élans lyriques, la généreuse et violente passion politique de la sombre Charlotte. Que faire ? Comment mener sa vie ? Son art ? Comment mener sa barque au milieu de ces troubles ? Comme le dit l'amie Olive, après tout « on vit une époque où tous les codes explosent. En bande dessinée aussi.
Je me trompe ? » -
Dans son précédent opus, Le Programme Immersion, Léo Quievreux avait laissé, en un lieu et un futur indéterminés, une poignée d'espions branchés à l'EP1 (Elephant Program One), machine expérimentale conçue pour fouiller, révéler, augmenter les souvenirs. Suite et fin de ce programme paranoïaque, Immersion s'ouvre sur le procès de Per Esperen, un haut cadre de l'Agence accusé d'avoir manipulé EP1 à ses propres fins.
A quoi bon un tel procès cependant, dès lors qu'Esperen, tout comme son adversaire, l'agent Le Chauve, restent hors de portée de la réalité, prisonniers de l'espace mental créé par leur connexion avec la machine ? Faisant le constat de leur impuissance, ayant manifestement perdu le contrôle du programme, les plus hautes autorités de l'Agence tentent de reprendre la main en connectant de nouveaux espions à l'EP1.
A charge pour l'agent 39,5 de suivre les traces du Chauve, à charge pour les agents Janet Crispel et Carl Jaeger de remonter jusqu'à Per Esperen.
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Comme tirées d'un sommeil lourd, comme échappées d'une fable sans âge ou de l'album cartonné d'un enfant depuis longtemps sénile, quelques notes de musique s'élèvent à la façon d'un génie sorti d'une bouteille. Noires, croches, blanches s'envolent, se transforment, s'aplatissent, glissent, se transportent plus loin, plus loin réapparaissent et se métamorphosent encore. Sur leur passage, les objets inanimés s'activent, les êtres se sentent secoués d'un frisson, d'une sensation, de l'amorce d'une idée, d'une action.
Mais le temps d'esquisser un geste, la scie hélas s'esquive, déjà l'antienne passe à l'as. Faisant fi, faisant flûte du temps, les notes, en mille transcriptions imprévisibles, farandole de signes minuscules ou fumeroles charbonneuses, traversent librement les époques, les cases et les pages où les êtres comme les choses restent englués dans une sourde lourde mélancolie. La ritournelle passe, ses notes tantôt caressent des caboches, tantôt les traversent, les meuvent, les émeuvent, les enchante et tout aussitôt les quitte, les laisse à leur langueur. Dans ces espaces étanches où pas une parole ne s'échange, où aucun son ne vibre, vivement virevoltent les notes : elles se sont faufilées silencieuses par le combiné d'un téléphone, elles sortiront, gracieux gribouillis, d'un tuyau ou d'une conque. Dans ces volutes graphiques, à travers ces notations évanouies rien n'aura été communiqué, aucun secret trahi. Chut ! Qu'entends-je ?... L'écrit. -
Qui n'aimerait remonter le cours de sa vie pour « revenir du côté de chez Swann », comme le chanta si joliment Dave ? Retrouver son premier amour, naturellement. Mais pourquoi pas, également, le charcutier de l'avenue de Paris ?
C'est ce que propose sans ambages ni fausse pudeur Stéphane Trapier dans Les Saucisses de l'archiduchesse, premier fascicule d'une série qui promet de devenir culte, « La vie de mon père ». Le père en question, il est vrai, n'est pas n'importe qui. Les fidèles lecteurs de Fluide glacial le connaissent déjà pour l'autre série en bande dessinée dont il fut la vedette, « Giscard et ses amis ». Quant aux autres, ils l'ont croisé sans le savoir, s'engouffrant incognito dans sa Giscardmobile en compagnie de Giscarda, sur le parking de quelque centre E.Leclerc en région. Grand seigneur mythomane, philosophe terre-à-terre, trublion ténébreux, Giscard n'est jamais en reste d'une considération péremptoire ou d'une déclaration intempestive - qu'on en juge : « Il y a trop de photos de gosses, et absolument pas assez de photos de moi dans le grand album de la vie, c'est absurde. » Tout ça pour dire que Stéphane Trapier a un père comme on n'en fait plus, ou (peut-être plus exactement) que Stéphane Trapier a un père comme seuls quelques fils en fabriquent encore. Et que cette fabrique a pour nom tendresse et qu'elle se drape de nostalgie.
À noter : le dessinateur Jacques Floret est l'invité spécial de ce pulp collector à tirage limité. -
Dans un futur proche mais indéterminé, « L'Agence » cherche à récupérer un prototype de la machine EP1 (Elephant Program One) dérobé par une jeune femme, Anna, pour le compte d'une agence rivale, la NAIA. De son côté, une organisation criminelle tente de doubler la NAIA par le biais d'un agent infidèle. Le boîtier EP1 n'est pas seulement l'enjeu de cet affrontement entre trois redoutables puissances puisque, couplé à un boîtier jumeau, il est aussi l'arme essentielle de cette lutte : le module ainsi constitué force, scrute, inspecte les souvenirs enfouis des agents branchés aux machines, moissonne de l'information mémorielle et dévoile des champs mentaux inexplorés. Per Esperen, un responsable technique de l'Agence qui supervise la recherche de l'EP1, contribue à brouiller un peu plus les pistes. Progressant sous un masque impassible, il agit en franc-tireur avec l'espoir de trouver refuge dans l'espace mental révélé par les machines.
De flash-back en fantasme, de rêve en souvenir, de glissement en faux raccord, toute certitude positive, tout repère se délite : Le Programme Immersion est un récit-piège où le lecteur se trouve, en tous sens du terme, captivé. Ayant hacké sa propre intrigue, le récit suit ses personnages dans leur néant, explore leurs relations autant qu'il les distord, fouille leurs consciences, et de loin en loin dysfonc-tionne, au gré d'amples oscillations paranoïaques.
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C'est la rentrée et le bahut est en émoi : une bande de nouveaux vient de débarquer ! Avec l'outrecuidance, l'aisance, la nonchalance d'une bordée de marins dans le port de Nantes, les petits mignons s'arrogent tous les droits et briguent les meilleures places dans la salle de cours (celles du fond où « chaque jour nous nous installions, chaque jour nous nous racontions ô combien nous nous aimions »). Les caïds populaires n'entendent pas céder le terrain aux querelleurs (puisque « c'est sous ces tables du fond que j'avais gravé ton nom »). Entre les deux bandes rivales s'engage une battle effrénée mais royale dont les armes sont l'éloquence, la sape, le chant, la prestance et les patins à roulette. Ce qui s'appelle être stylé. Avec Zboing zboing, Paul Descamps déroule une comédie musicale de rêve. Ses personnages sensuels, échevelés, charismatiques, toujours fringants, se livrent à de longues joutes psychédéliques parfumées d'amour courtois, funky, électrique. West Side story vénéneux et sexy trempé de manga et de glam rock, Zboing zboing est une bande dessinée montée sur ressorts et platform shoes, un fl
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Noir. Blanc. Trames. Points. Machine. Traits. Règle. Mécanique. Axonométrie. Vue dessus. Vue face. Vue dos. Vue côté. Dessin. Technique. Action. Précision. Dessus. Dessous. Normographe. Éclat. Embardée. Collision. Extrusion. Rythme. Chaîne. Déroulement. Ruban. Pli. Devant. Derrière. Cadence. Machine. Rythme. Percussion. Métal. Noir. Ajustage. Parallèles. Graisse. Lignes. Géométrie. Espace. Fluides. Séquences. Bandes. Parallélisme. Dessin. Bandes. Dessin. Bandes. Dessin. Bandes. Dessin. Bandes. Dessin...
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Trois personnages - hommes ? Robots ? Extraterrestres ? Mutants ? - en cherchent un quatrième dans un pays de glace et de neige. Leur enquête les conduit à rencontrer d'autres personnages - hommes ? Robots ? Extraterrestres ? Mutants ? - aux moeurs étranges et aux goûts violents. Ce nouveau volume très attendu de Yokoyama est présenté par son auteur comme une suite possible de La Salle de la mappemonde. On retrouve en effet de l'un à l'autre quelques protagonistes qui pourraient nous être familiers s'ils n'étaient si taciturnes et la même ambiance sombre, une atmosphère épaisse de violence latente, de crime dissimulé sous la glace. Comme dans La Salle de la mappemonde, le dessin énergique, saturé, presque frénétique de Yokoyama établit une tension inouïe avec l'attitude distanciée et le calme apparent des protagonistes. Il n'est pas indifférent que la figure emblématique, presque totémique, de ce récit soit le requin...
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Quelques Miettes à géométrie variable est la description d'un gigantesque dispositif mécanique. Un dispositif sûr et précis inscrit dans un paysage désert, et qui ne semble nécessiter l'intervention de quiconque : aucun personnage, aucun être vivant identifiable n'y apparaît. On pourrait coller à la va-vite l'étiquette « abstraite » sur cette bande dessinée. Pointer de la sorte ce dont elle s'abstrait effectivement (intrigue, personnages, dialogues, sens, message...) serait cependant passer à côté du concret que, par ce biais, l'oeuvre intensifie : dessin, composition, rythme, découpage, narration... ce qui fait l'essentiel de la BD en somme. Resserrée, minimale, Quelques Miettes à géométrie variable est d'autant plus résolument une BD d'action, de pure action. Une BD où se noue une série de tensions complexes entre organicité et géométrie, entre mouvement et fixité, paysage et architecture, formation et effondrement, verticalité et horizontalité, noir et blanc, points, lignes, plans, regard, lecture, sensations, intelligence, émotions. Une BD. Une pure BD. En guise de postface, Quelques Miettes à géométrie variable est suivi de Gorgocycle, bref récit de 15 pages dessiné au moyen d'un logiciel 3D.
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À Tokyo, les buildings sont des sexes en érection tendus vers un ciel où volent des avions-bites. Hommes et femmes ont une tête en forme de gland et partouzent tard dans la nuit après la journée de bureau. C'est comme ça. Dans les bains publics mixtes, les gars trompent l'ennui en enfilant des perles... dans le vagin de leur fiancée.
Les filles au pair délaissent bébés et tâches ménagères pour se livrer entre elles aux actes les plus crus. C'est comme ça. Chinkoman, l'« homme-bite », se sert de son organe démesuré pour imposer violemment sa loi phallique. C'est comme ça !
C'est comme ça ! C'est comme ça : la société décrite dans ces neuf histoires courtes par Jirô Ishikawa est placée sous le signe du phallus-roi, de la pulsion sexuelle, du narcissisme, de l'obsession libidineuse. C'est la société des jouisseurs, des satisfaits névrosés, la société des têtes de noeud. D'un trait élégant capable d'épouser tous les registres, du minimal au psychédélique en passant par les codes du gekiga, Jirô Ishikawa, mangaka virtuose et paria, décrit ce monde tel qu'il le voit, tel qu'il le rêve ou, plus sûrement, le craint. Presqu'inconnu en son pays, Ishikawa est l'auteur décadent, délirant, déphasé que personne n'osait attendre. Il est là, c'est comme ça désormais.
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Ouvrir Tarzan contre la vie chère, c'est retrouver les scènes initiatiques du cinéma du dimanche soir : les cow-boys et les Indiens, les capes et les épées, les bals et les perruques, la flibuste, les baisers, la sauvagerie, les corps à corps, l'héroïsme, la trahison, le crime. mais les retrouver comme suspendus par le dessin, figés hors de leur temps, irrémédiable-ment arrachées à notre enfance. Car ni les cow-boys, ni les marquises, ni les centurions ne parlent plus la langue, si niaise et si profonde de jadis. Que leur est-il arrivé ? Ont-ils regardé la télé à leur tour ? Ont-ils fréquen-té en cachette la machine à café du bureau ? Ont-ils lu 20 Minutes avant d'enfiler leur costume ? Comment expliquer leur soudaine préoccupation pour les RTT, le mariage pour tous et le bilan carbone ?
Il faut se rendre à l'évidence, Stéphane Trapier a tenté ici le reboot ul-time : faire parler aux héros d'autrefois le langage de notre époque ; les dialectes médiatiques, politiques, publicitaires qu'il excelle à capter et à restituer. Chez Trapier, les héros ne sont jamais fatigués de bavarder.
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« Et si je faisais seulement ce qui me plaît le plus en bande dessinée : composer des espaces ? » Concevant Loto à partir de cette réflexion, autrement dit créant librement une oeuvre libre, Alexis Beauclair s'est détaché des pesanteurs du medium (personnages, sujet, histoire : tout l'attirail anecdotique...) pour en explorer la face intime, l'infrastructure, la logique, les lois physiques, matérielles. En douze courts chapitres, Loto décrit avec minutie une série d'actions mettant en scène cercles, carrés, angles dans un univers géométrique, presque typographique. Ces actions minimes mais concrètes (tomber, franchir un obstacle, rouler...) qui ne sont pas sans rappeler l'univers du slapstick - au premier rang duquel les films de Buster Keaton -, se livrent au langage de la bande dessinée autant qu'elles l'explorent et le mettent au jour. Analytique, rétinien, obsessionnel, prégnant, palpitant, Loto déploie des récits aussi excitants pour l'intelligence que passionnants pour les sens. Observant avec souplesse les mouvements intimes du médium, sa mécanique fluide, observant la mobilité advenir et s'épanouir dans un environnement fixe, Loto est en fait un livre d'une sensualité folle.
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Par une brèche dans un mur, une foule de plusieurs centaines de personnes pénètre dans le jardin et découvre peu à peu ce vaste territoire interdit constitué d'une succession de paysages artificiels animés de mouvements automatisés. Le jardin est un décor désert, habité uniquement de dispositifs mécaniques, de cliquetis, de chocs et de grincements, un lieu sans orientation ni logique qui paraît généré au fur et à mesure de la curiosité qu'il suscite.
Un lieu probablement sans fin, voué à l'inouï, à l'extraordinaire, à l'invention...
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On savait les personnages créés par Yûichi Yokoyama enclins à la déambulation (Voyage) et à la découverte (Jardin). Dans ce nouveau volume, ils abordent des contrées plus désertes et plus sauvages qu'à l'accoutumée qui les conduisent à se muer en explorateurs. Confrontés à de vastes paysages naturels et inhabités, nos aventuriers, tantôt solitaires, tantôt réunis en petits groupes, déploient des dispositifs d'exploration et d'observation diversement sophistiqués. Un missile-appareil photo, un rondin de bois aménagé en embarcation, une tente canadienne conditionnée en tube à l'instar d'une pâte dentifrice sont quelques unes des inventions mises en oeuvre pour assouvir leur commune passion : voir, voir, voir...
Explorations est un recueil de 3 brefs récits, dans la veine de Travaux publics et de Combats. Ainsi Yokoyama met-il encore une fois (brillamment) en scène son principal leitmotiv, qu'il s'agisse d'obtenir une série d'instantanés photographiques prise à 400 km/h au ras des pâquerettes, qu'il s'agisse d'observer les phases changeantes d'un déluge ou de se trouver au beau milieu du passage d'un troupeau d'antilopes au galop, il s'agit toujours de voir, contempler et décrire.
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Baby boom est un recueil de récits animés par deux personnages récurrents, un « oiseau » (l'animal à tête noire sous le masque duquel l'auteur aime se figurer) et un « poussin », engagés, à deux ou en groupe, dans toutes sortes d'activités propres à l'enfance : cerceaux, cubes, baignade, pliages, dessin, goûter, constructions, bacs à sable, sauts dans les flaques...
Dessinant vigoureusement à l'aide de deux couleurs de feutres, Yokoyama a laissé à ses dessins leur fraîcheur d'esquisses. Par leur (apparente) rapidité d'exécution, par leurs contrastes colorés, ses planches sont de cette façon le prolongement évident et communicatif de la joie frénétique de l'oiseau, du poussin et de leurs camarades de jeux.
Nouvelle clé d'accès à une oeuvre parfois injustement jugée austère, sérieuse et froide, Baby boom est le livre de l'enthousiasme par excellence. Il expose pour la première fois au grand jour l'un des ressorts les plus puissants de l'artiste : sa part d'enfance. -
Trois hommes costumés et masqués s'aventurent dans une ville inconnue.
Formant une sorte de commando en mission, ils sont à la recherche d'un lieu, d'un objectif qu'ils ne connaissent qu'approximativement. Au détour d'architec-tures oppressantes, ils sont vite confrontés à d'inquiétants groupes d'hommes en uniforme. La tension nouée entre les protagonistes, autant que la pesanteur des situations, laisse craindre l'imminence d'un drame. Que font ici ces milices urbaines ? Qu'est-ce qui justifie qu'elles se comportent en maîtres des lieux ? Quelles activités sont réellement les leurs ? Trafic ? Crime à grande échelle ? Déprédation ? Attentat ? Putsch militaire ?.
En dépit de ces rencontres, nos trois hommes parviennent à destination. Sans se départir de leur feinte nonchalance, ils se présentent au portail blindé d'une luxueuse villa. Le propriétaire des lieux, un dandy aux airs mystérieux, les laisse pénétrer au coeur de cette forteresse dont il semble avoir l'usage exclusif. Après leur avoir offert quelques verres d'alcool, après les avoir menacés d'une arme à feu, il leur accorde cependant le privilège d'accéder à son très vaste jardin et à une bibliothèque unique en son genre : la salle de la mappemonde.
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« Elle aime le crack et lhéroïne, les jeans slims et ses bras maigres »
« Elle repense aux hamburgers de sa nuit de noce »
« Elle aime le bitume et la clope, la bière et les supérettes »
« Elle aime la cocaïne et chanter »
« Elle est comme une camionneuse folle et dépressive. »
« Elle » a le visage, lallure et les fringues dune habituée des tabloïds anglais et des sites Internet people. Mais « elle » nest jamais nommée, « elle » nest déjà plus une chanteuse, ni une célébrité, « elle » savance, défaite, minable et souveraine, dramatiquement sophistiquée : « elle » est une ombre qui déboule en titubant dans un fracas noir et blanc. Un fantôme du rock qui na pas vingt-cinq ans. Copie, avatar autant que modèle : prototype dune femme qui sannonce et qui vient. « Elle » est la femme de demain. Cocaïne et Chaussons blancs dresse son portrait. « Et elle vomit sur ses robes »
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Au début des années 1930, dans la petite ville industrielle de Thaon-les-Vosges, un groupe de jeunes vierges secrètement consacrées au Christ - les « soeurs Bernadette » - mettent au point une saisissante méthode de catéchisme basée sur l'usage de dessins au pochoir : des silhouettes noires sur fond blanc.Ainsi débute l'« épopée Bernadette » : l'aventure inouïe d'une communauté de femmes qui, durant trente ans va penser, s'exprimer, agir et combattre en images. Car l'aventure est guerrière. Il s'agit de faire pièce aux dépravations intellectuelles, morales, politiques et artistiques du monde moderne.
Sur le plan des images, il s'agit de lutter pied à pied « contre l'art matérialiste, cubiste et communiste ». Il s'agit, autrement dit, d'allumer, au coeur du XXe siècle, un contre-feu à la modernité. Blanc contre noir. Images contre images.« L'enseignement par silhouette offre le maximum d'impression photographique sur la rétine » : les soeurs Bernadette dessinent au pochoir des images d'une singulière efficacité. Images découpées au couteau et aux ciseaux. Images tranchées.
Près de soixante-dix ans après leur invention, les Éditions Matière ont retrouvé ces centaines d'images et en ont (re)monté l'essentiel sous la forme d'une bande dessinée. L'extraordinaire puissance visuelle et narrative des silhouettes Bernadette est là, intacte. Par l'effet de ce montage inédit, la Méthode se raconte elle-même, met au jour le récit de son invention, dévoile ses enjeux, ses ambitions, son ascension et sa chute : l'interdit jeté sur elle par l'Église, ses vaines tentatives d'autocensure, et enfin la longue occultation dont elle a fait l'objet jusqu'à aujourd'hui...
Préface par François Cheval, directeur du musée Nicéphore Niépce (Chalon-sur-Saône).
Postface par Sonia Floriant, docteur en sciences du langage, enseignante en école d'art. -
La ville de Prokon (dont le nom comprime en un seul les deux mots PROduction + KON-sommation) est l'utopie capitaliste enfin réalisée : à Prokon, chaque individu possède un emploi, contribuant ainsi au niveau général de consommation qui lui-même soutient la production, qui elle-même garantit le niveau d'emploi sur quoi repose la consomma-tion, etc. Le cercle est aussi vicieux que la logique est naïve : confis de bonheur, de lotissements résidentiels et de produits standardisés, les habitants de Prokon se vouent corps et âmes à la satiété de consommation. C'est compter sans l'ennemi juré de Prokon, le Docteur Dracenstein qui, relégué aux marges de la cité, met la main à sa dernière arme : le spray d'éternité ! Ayant compris que l'insolente vitalité de Prokon repose sur le principe d'obsolescence des produits manufacturés - autrement dit sur la nécessité, programmée par leurs fabricants, de les remplacer régulièrement -, le Dr Dracenstein entreprend, par simple pulvérisation, de figer pour l'éternité dans leurs fonctions et dans leurs qualités d'origine les objets, les produits, les mécaniques.
Originellement publiée en 1971, Prokon n'avait jamais passé à ce jour les frontières norvégiennes.
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Au moyen de douze récits rapides, géométriques, incisifs, Nouveaux corps (après Travaux publics, Combats, Voyage et Jardin) poursuit l'exploration méthodique de l'univers du plus singulier des auteurs de bande dessinée.
Un homme photocopie son costume-cravate, taille les images obtenues et les ajuste au scotch sur le corps de son camarade. Un type improvise un masque à partir des pièces d'un ventilateur. Un troisième se confectionne une casquette au burin dans un bloc de roche. Des individus se laissent asperger de colle en bombe avant de se jeter dans des bacs emplis de balles, de feuilles, de graviers. Et ce ne sont que quelques exemples... Voilà de quelle manière on revêt son corps, et voilà à quoi on l'emploie dans le monde robotique, opaque et énigmatique de Yûichi Yokoyama.
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Cest lhistoire de Paolo Falcone, UN PRE COMME UN AUTRE, un pre qui aimerait que son fils lui ressemble, un pre qui fait de son mieux, qui essaie de transmettre ce quil aime, ce quil sait faire, un mtier : le maniement du 38 Beretta et du Glock, le respect des contrats, la prcision des reprages, et mme un peu les explosifs. Cest lhistoire de Romain, UN FILS GT ET NARCISSIQUE, une tte de nud qui fait lEssec, tireur plutt dou mais qui ne simagine pas en serial killer. Cest un polar et cest une histoire de famille. Une affaire dambitions contraries et de divergences de vues, une histoire de roue qui tourne. Linge sale, amour, ngociations, or et orgueil cest JUSTE UNE HISTOIRE, quoi. QUI VA DU PRE AU PIRE.
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11 mars 2011. Un séisme d'une magnitude exceptionnelle secoue le Japon. Déferlant instantanément à travers ce que terre, mer et ciel comptent de connexions électro-niques, les vagues, les débris, les carcasses, le feu, et bientôt la neige et les radiations nucléaires se répandent sur les écrans du monde entier. Ils s'y mêlent en une boue informe aux mots, aux commentaires, aux analyses, charriant partout l'intelligence et les émotions comme l'eau charrie là-bas, au Tôhoku, les cadavres.
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Une ville orthonormée, au petit matin. Amérique nord. Réveil, métro. La vie des gens, la rue, l'ouverture des bureaux sur fond de grisaille quadrillée.
Soudain parmi la foule, un homme prend la tangente. Police. Course-poursuite. L'homme est pourtant l'un des plus insignifiants de la ville : c'est un homme-sandwich. Mais justement. La pancarte qu'il arbore, et dont il semble ne pas vouloir se défaire, fait aussi de lui l'homme le plus remarquable.
« New » : voilà ce qu'il annonce. Le nouveau. Rien moins.
Il y a bien des choses à dire, sans doute, de New WANTED : ligne claire, minimalisme, géométrie, inventions formelles, refus de la narration... La vérité c'est que c'est l'irruption du boogie-woogie dans la peinture de Mondrian, c'est Hitchcock qui ferait courir James Stewart directement dans des décors de Saul Bass.