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De l'oracle de Delphes à l'astrologue personnel de Ronald Reagan, l'histoire est truffée de gens ayant recours à l'aide « d'experts » pour optimiser les différents aspects de leur existence.
Dans la culture contemporaine, cette tendance s'est transformée en véritable obsession collective : l'internet grouille d'experts avec des millions de followers prêts à vous conseiller dans tous les aspects de votre existence... des gourous de l'amour heureux aux psychologues d'Instagram.
Prenant appui sur les écrits de nombreux philosophes et sociologues, de Zygmunt Bauman à Slavoj Zizek, d'Eva Illouz à Byung Chul Han en passant par Jacques Lacan, Liv Stromquist développe une critique subtile de notre obsession contemporaine pour le bien-être et le développement personnel, tout en abordant des questions existentielles plus larges, telles que le sens ultime de la vie ou la manière de composer avec l'évidence que nous allons tous mourir : une bande dessinée de développement personnel contre le développement personnel. -
Lors d'une conférence de presse après ses fiançailles avec Diana, le prince Charles dut répondre à la question : « Êtes-vous amoureux ? » Après une petite hésitation, il répondit : « Oui... Quel que soit le sens du mot « amour ». Or, en lisant la presse people quelques années plus tard, on constata que, de toute évidence, Charles et Diana n'attribuaient pas du tout le même sens au mot « amour »... En feuilletant les mêmes magazines, on pouvait aussi se demander comment Whitney Houston avait pu tomber amoureuse d'un sale type comme Bobby Brown, et de remarquer au passage qu'en matière d'amour, le bonheur de l'un ne fait pas forcement celui de l'autre. « Qu'est-ce donc que l'amour ? » Forte du constat que les déconvenues sentimentales sont loin d'être l'apanage exclusif de quelques chanteuses ou têtes couronnées, Liv Strömquist mène sa réflexion sur le pourquoi du comment de la relation amoureuse. Ainsi, les moindres faits et gestes de Charles, Diana, Whitney, Bobby Brown (et d'une foule de philosophes, écrivains et hommes politiques qui peuplent les pages de Les Sentiments du Prince Charles) se mêlent à des faits historiques ou à des situations tirées du quotidien. En replaçant les liaisons sentimentales dans leur contexte socio-culturel, elle invite à reconsidérer la relation amoureuse autrement que selon la norme hétérosexuelle-monogame.
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Une certaine partie du corps de la femme, celle que Gustave Courbet a évoquée dans son ta-bleau L'origine du monde, a suscité et continue de susciter l'intérêt un peu trop «vif« de certains représentants de la gent masculine. C'est ainsi que le Dr. Kellogs, l'inventeur des corn-flakes, a pu affirmer que la masturbation provoque le cancer de l'utérus et le Dr. Baker-Brown a pu préconiser l'éradication de l'onanisme féminin par l'ablation du clitoris (la dernière a été pratiquée en 1948). Si le corps médical n'y va pas avec le dos de la cuillère, les philosophes ne sont pas en reste. Jean-Paul Sartre peut ainsi écrire « ... le sexe féminin... est un appel d'être, comme d'ail-leurs tous les trous ». Sous la plume acérée de Liv Strömquist défile toute une galerie de personnages (pères de l'église et de la psychanalyse, pédagogues, sexologues) dont les théories et les diagnostics ont eu des conséquences dévastatrices sur la sexualité de la femme.
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La légende urbaine voudrait que Leonardo DiCaprio ait enchaîné trente-deux conquêtes - toutes de sublimes top models - mais sans tomber amoureux d'une seule. Faut-il en chercher les raisons dans les arcanes de la société de consommation et sa propension au narcissisme ? Dans les lois de la biologie ? Ou, tout bêtement, dans le fait que ce cher Leo ne soit pas encore tombé sur la bonne ? Et nous, dans tout ça, sommes-nous, comme lui, des complexés de l'engagement ? Liv Strömquist, que l'on ne présente plus, a choisi d'intituler sa nouvelle bande dessinée La rose la plus rouge s'épanouit, en référence et hommage à un vers de la poétesse américaine féministe Hilda Doolittle (H.D.) qui, dans sa vie comme dans ses écrits, prônait des amours libérées. Une nouvelle occasion pour elle de disséquer les comportements amoureux à l'ère du capitalisme tardif et de les interroger : comment maîtriser les élans du coeur ? Que faire en cas de chagrin d'amour ? Pourquoi les histoires d'amour finissent-elles mal, en général... ? Et pourquoi certaines personnes papillonnent-elles sans jamais se poser ? Avec sa pertinence et son humour habituels, l'auteure entrechoque les références attendues et d'autres qui le sont moins - entre Beyoncé, les Schtroumpfs, des acteurs de télé-réalité, Jésus ou encore des sociologues... - pour sonder les coulisses de la passion. Savez-vous que Socrate était un véritable Don Juan avant l'heure, ou bien ce qu'est devenu Thésée, une fois le fil amoureux d'Ariane rompu ? Ou, encore, connaissez-vous Lady Caroline Lamb, ici érigée en modèle, dont les coquetteries avec Lord Byron ont défrayé la chronique de l'époque ? Autant d'exemples qui permettent à Liv Strömquist de dévoiler une véritable anatomie de l'éros en quelques battements...
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C'est d'épouses, fiancées et copines dont il est question dans ce livre... Madame Elvis Presley, Madame Joseph Staline, Madame Jackson Pollock... et plein d'autres. Réunies par un seul et même destin : être les victimes d'hommes incapables de se comporter de façon normale et raisonnable avec leur partenaire. Qui étaient vraiment ces femmes et comment leur désir de vivre un amour romantique a pu pourrir à un tel point toute leur existence ? Page après page, Liv Strömquist lance ses flèches empoisonnées contre l'ordre patriarcal. Elle en explore dans les moindres recoins les dispositifs de domination sans oublier de donner au passage, toujours avec l'humour cinglant et la légèreté qui sont les siennes, des réponses à des questions telles : Qui étaient les pires boyfriends de l'Histoire ? Pourquoi Ingmar Bergman a cru bon féconder toutes les femmes qui, en Suède, avaient des ambitions artistiques ? Pourquoi l'archange Gabriel appelait les femmes des « putains » ? Pourquoi tous les enfants sont-ils des conservateurs bien de droite ? Et pourquoi les hommes qui défendent le plus les valeurs de la famille nucléaire (à l'instar d'un certain Pape) ne vivent jamais dans ce type de famille ? En s'appuyant sur des références qui vont de la sitcom « Friends » à la biographie de Staline de Simon Sebag Montefiore, Liv Strömquist poursuit avec intelligence et finesse sa critique sans concessions des valeurs masculines qui dominent la société contemporaine.
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La finance qui règne sans partage, le gouffre qui ne cesse pas de se creuser entre richesse et pauvreté, la mainmise de la classe aisée blanche sur la culture et les médias, la gauche qui a renoncé à faire de la politique et l'a remplacée par un creux moralisme, les gargouillis identitaires...
Liv Strömquist s'éloigne le temps d'un livre des thématiques des Sentiments du prince Charles et de L'Origine du monde pour brosser un portrait sans concession de nos chancelantes démocraties européennes. Si le sujet a changé, l'approche de l'auteure suédoise n'a pas bougé d'un iota :
Partant une fois de plus d'une galerie d'exemples bien choisis, l'analyse de Liv Strömquist est toujours documentée, brillante et - avant tout - extraordinairement drôle. Un manifeste politique limpide et humaniste, une lecture salvatrice dans cette époque confuse et agitée.
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En Limousin, sur le plateau de Millevaches, après un siècle d'absence le loup revient. Certains éleveurs et habitants essayent d'identifier et expérimenter des solutions pour une cohabitation avec le prédateur, d'autres la refusent en bloc. Le scénario se répète, comme chaque fois que les loups refont surface quelque part. L'anticipation et la préparation de certains permettra-t-elle d'envisager plus sereinement des pistes de coexistence ?
Après une enquête sur le terrain qui a duré plusieurs mois, Troubs propose un récit éclairant et plein d'humour sur la manière dont les pratiques d'élevage sont perturbées par le retour du prédateur, sur comment la question du pastoralisme nous concerne tous et enfin sur la nécessité de faire évoluer nos représentations du loup et concilier durablement préservation de l'espèce et activités humaines... -
En décembre 1991 et janvier 1992, pour connaître un autre point de vue que celui donné par les médias américains, Joe Sacco part en Palestine dans la bande de Gaza et en Cisjordanie. De ses ren-contres dans les camps de réfugiés et les territoires occupés, il tirera un livre majeur qui marquera l'acte de naissance du journa-lisme en bande dessinée.
Palestine offre un bouleversant témoignage humain et un docu-ment de première importance sur le conflit israélo-palestinien qui, à des années de sa première publication, n'a pas perdu une once de sa pertinence et de sa force. Cette édition de Palestine, désormais considéré comme un des grands classiques de la bande dessinée de reportage, est accompagnée d'une préface originale de l'intellectuel et critique littéraire palestinien Edward Said ; et d'un texte où Sacco commente les passages clé de son livre tout en fournissant un éclairage précieux sur sa méthode de travail. Cette partie introductive est illustrée par de nombreux documents tels des pages des carnets de l'auteur, des esquisses et des photos.
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En mai 2020, dans le nord-est de l'Italie, un jeune pakistanais est retrouvé sur le bord d'une route en rase campagne. Il est dans un sale état, couvert d'hématomes, les mains liées derrière le dos. L'homme déclare aux policiers qui l'ont secouru qu'il est employé - tout comme une trentaine de ses compatriotes - d'une coopérative de services, sous-traitante d'une imprimerie industrielle. Dans l'entreprise, il est soumis à des tours massacrants de douze heures, sept jours sur sept, sans avoir droit ni à des journées de repos ni à des congés payés. Le tout pour un salaire de cinq euros de l'heure. Ayant tenté de s'opposer à ces abus, le jeune homme a été séquestré par les nervis de son employeur, menacé, roué de coups et abandonné à des kilomètres de son domicile. Venus à connaissance de cet épisode, des syndicalistes s'emparent de l'affaire et mettent à nu un réseau de recrutement et d'exploitation illégaux de main-d'oeuvre, qui profite de la connivence de ses respectables bénéficiaires finaux. Dans Ismaël et les autres, Paolo De Marchi et Giuseppe Zambon retracent le combat de ces travailleurs immigrés pour recouvrer leurs droits et leur dignité. Les deux auteurs dissèquent, en même temps, les mécanismes d'une forme d'esclavage moderne qui est désormais intégrée, dans tous les pays d'Europe, à des pans entiers de l'économie et dont les travailleurs migrants, légaux comme illégaux, sont les principales victimes.
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Antonia vit dans un bourg habité uniquement par des chiens et des geckos. Tous les hameaux voisins se sont vidés de leurs habitants et toutes les terres autour semblent stériles. Dans le village d'Antonia, ou moins dans ce qu'il en reste, pousse une fleur qui lui rappelle des temps meilleurs, le souvenir de la gaieté de ce lieu et la fertilité des champs. Prendre soin de cette fleur, la maintenir en vie à tout prix, devient le but principal de l'existence d'Antonia. Mais une visite inattendue va l'aider à entreprendre un voyage initiatique au cours duquel elle va redécouvrir une vie qu'elle croyait avoir perdue et apprendre à cultiver la fleur de ses désirs. Avec légèreté et délicatesse, María Medem nous entraîne dans son monde de couchers de soleil orangés, de paysages aux couleurs éclatantes, de gouttes de rosée et de pluie suspendues aux brins d'herbe, d'oiseaux flottant dans un ciel déchiré par les panaches des nuages, de nature qui s'exprime en toute liberté. Dans À cause d'une fleur, María Medem construit un univers dont les images continuent de nous habiter longtemps après avoir renfermé son livre ;un poème visuel remarquable de créativité et cohérence, hymne à la douceur de la solitude et à la chaleur des rencontres.
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À l'heure où la recherche autour des psychotropes dans le traitement de nombreuses maladies mentales revient en force, le rôle essentiel joué par Valentina et R. Gordon Wasson dans l'étude des champignons psychoactifs reste pourtant peu connu du grand public. Le parcours des Wasson démarre en 1927 dans une cabane du nord de l'État de New York, pendant la lune de miel du couple, où Valentina réussit à vaincre la mycophobie de son mari. La découverte de l'univers des champignons est un véritable coup de foudre pour Gordon qui, banquier de son état, consacre désormais tout son temps libre à la mycologie. Quelques années plus tard, le couple compile un livre de cuisine qui peu à peu se transforme en essai, fusion de mycologie et anthropologie. Leurs recherches les amènent au Mexique, dans l'état d'Oaxaca, où ils rencontrent la chamane mazatèque María Sabina et étudient l'emploi cérémonial des champignons sacrés ; Gordon est l'un des premiers Blancs à participer à un rituel mazatèque et documente, dans un historique reportage publié dans Life, son expérience de consommation de psilocybes devenant le pionnier de l'usage des champignons psychoactifs en occident. Dans un récit où on croise la C.I.A., l'écrivain Robert Graves et la banque Jp Morgan, Brian Blomerth retrace avec rigueur et une bonne dose d'humour la fascinante aventure humaine et scientifique de Valentina et Gordon Wasson. Blomerth fait preuve d'un rare talent en déclinant à l'infini, avec des solutions à chaque fois surprenantes, une même structure narrative en vis-à-vis sur deux pages ; sa créativité, sa maîtrise de multiples techniques et son incroyable palette font de la lecture de Mycelium Wassonii une formidable expérience visuelle.
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Issu du travail sur le terrain entrepris par Joe Sacco entre 1995 et 1996, Goražde est le récit passionné et rigoureux du calvaire de la ville et de ses habitants pendant la guerre qui a rava-gé l'est de la Bosnie de 1992 à 1995. Pendant les quatre mois passés là-bas, Sacco a recueilli les témoignages des survivants et observé leurs conditions de vie pour réaliser ce qui peut être défini comme l'un des ouvrages majeurs traitant de cet épisode tragique de l'histoire contem-poraine. La rigueur journalistique de Sacco, son souci constant de séparer les témoignages recueillis de ses propres opinions, les digressions minutieusement documentées sur le dérou-lement de la guerre en ex-Yougoslavie, sa maîtrise du langage de la bande dessinée en font un modèle de « reportage en bande dessinée ».
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Soba était en train de devenir une rock star avant que la guerre éclate et l'oblige à partir se battre. Maintenant, la paix en Bosnie est proche, Soba évoque son passé et s'interroge sur son futur. Que va-t-il faire quand la guerre finira ? Va-t-il rester dans la Sarajevo qu'il aime tant et pour laquelle il a risqué sa vie ? Va-t-il partir ailleurs, où la vie sera sans doute plus facile et le succès semble à portée de main ?
Héritier du « nouveau journalisme », Joe Sacco raconte en toute subjectivité ses voyages dans un monde en feu. Ici : son séjour à Sarajevo entre 1995 et 1996.
Les accords de Dayton viennent alors d'imposer un cessez-le-feu, mais les balles traçantes illuminent encore la nuit bosniaque. Muni d'une carte de presse, le dessinateur hante les décombres. Ainsi, lors d'une messe de Noël, il croise Karadzic qui avait déclaré que « les Sarajéviens ne compteront pas les morts, ils compteront les survivants ».
Son portrait de Soba, le sculpteur poseur de mines, restera un modèle de reportage graphique.
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Lors de son premier voyage à Sarajevo en 1995, Joe Sacco fait la connaissance de Neven - un jeune serbo-bosniaque - qui devient bientôt son fixer attitré pendant le conflit en ex-Yougoslavie. Par ce terme (parfois traduit en français par le mot « fixeur ») on désigne le guide-interprète-chauffeur-négociateur devenu l'auxiliaire indispensable de tout journaliste de terrain qui couvre un conflit majeur. Entre Sacco et Neven s'établit bientôt une relation intense, rythmée par des demandes d'argent, des élans d'amitié sincère et, surtout, par de longs monologues où l'ancien baroudeur livre au reporter fraichement débar-qué sa vérité sur une guerre qui va bientôt s'achever. The Fixer est avant tout un livre sur Neven et sur sa vision du monde. Ses contrevérités et ses omissions sont le point de départ d'une analyse des réactions de la société bosniaque face aux traumatismes de la guerre et, plus encore, face à l'après-guerre qui se prépare ; Joe Sacco ajoute ainsi une dimension supplémentaire à son remarquable travail d'investigation sur la guerre en ex-Yougoslavie et achève, comme l'a écrit Edward Saïd, un « véritable travail politique et esthétique d'une extraordinaire originalité ».
Cette édition de The Fixer est précédée d'un texte de Joe Sacco qui retrace la genèse du livre à travers des extraits commentés de ses carnets, et suivie d'une interview inédite de Neven. Les notes de Sacco sur les personnages et les lieux , enrichies de dessins et de photographies, contri-buent à fournir au lecteur un éclairage complet sur l'oeuvre et les circonstances de sa création.
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Polly, Moho et Piter, trois amis qui se sont perdus de vue depuis plusieurs années, se retrouvent pour exaucer le voeu de Héctor, leur ami commun décédé peu de temps auparavant. Dans ses dernières volontés, Héctor les a désignés pour disperser ses cendres dans un lieux mystérieux, indiqué par une croix sur une carte. Les trois protagonistes se préparent à ce qui s'annonce comme un long et ennuyeux voyage en voiture sans se douter qu'il va vite être parsemé d'embûches, courses poursuites, équivoques et coups de théâtre. Entre motels miteux, restoroutes et clubs de strip-tease, les trois amis devront faire face à des lutteurs de catch, à des trafiquants de drogue, à un chanteur paranoïaque et à deux hommes de main barbus dans une suite ininterrompue de rebondissements qui vont mettre leurs nerfs à rude épreuve...
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Le coeur révélateur et autres histoires extraordinaires
Alberto Breccia
- Rackham
- 5 Octobre 2018
- 9782878272260
Réalisées à différentes périodes, les cinq adaptations de nouvelles d'Edgar Allan Poe par Alberto Breccia, réunies dans Le Coeur révélateur, ne sont pas de simples prétextes à une série de variations stylistiques. Elles fournissent au génie argentin, fermement convaincu que c'est le style qui doit s'adapter à l'atmosphère du récit - et non l'inverse -, une nouvelle occasion de montrer sa maîtrise exceptionnelle du dessin et de la composition. Avec une désinvolture et une facilité étonnantes, il passe d'un minimalisme formel et d'un découpage cinématographique (Le Coeur révélateur) à des teintes grotesques (William Wilson), jusqu'à un style plus expressionniste (La vérité sur le cas de Monsieur Valdemar).
Si une distance manifeste sépare la rigueur dépouillée dont il use dans Le Coeur révélateur et le foisonnement de formes et de couleurs qui explose dans Le Masque de la mort rouge, un fil rouge relie pourtant tous ces récits. La constante invention graphique dont fait preuve Breccia a pour unique intention d'éclairer d'une lumière crue la frontière floue entre la vie et la mort. Il capture ainsi ce moment de bascule où, saisi par le néant, l'homme devient son propre bourreau, cette faille insondable que Poe lui-même n'a eu de cesse d'explorer tout au long de son oeuvre.
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Avant de réaliser les deux chefs-d'oeuvre du « journalisme en bande dessinée » que sont Palestine et Gorazde, Joe Sacco a dessiné de nombreuses histoires courtes tenant souvent en une seule page mais pouvant parfois aller jusqu'à une trentaine de planches. Journal d'un défaitiste présente la quasi totalité de ces travaux jour-nalistiques et autobiographiques, où figurent notamment des histoires de guerre : Quand les bonnes bombes tombent sur les méchants, qui retrace l'histoire des bombardements des populations civiles ; Plus de femmes, plus d'enfants, plus vite, où Sacco raconte les expériences endurées par sa mère lors de la Seconde Guerre mondiale à Malte ; et Comment j'ai aimé la guerre, suite de récits plus personnels et plus proches des derniers travaux de Sacco, réflexion passionnée et caustique sur la couverture médiatique de la Guerre du Golfe. S'en suivent des histoires telles que En compagnie des longs cheveux, pièces de journalisme-gonzo sur la tournée européenne d'un groupe de rock qu'il suit sur les chemins de tous les excès et, pour terminer, une série de courts récits où l'auteur laisse libre cours à sa débor-dante veine satirique.
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Tous les jours, à l'heure où le soleil atteint son zénith et le ciel prend la couleur du jus d'orange, le Potier et le Souffleur de verre se retrouvent pour déjeuner autour d'une immense table. Ils entretiennent une relation apparemment très formelle et pendant le repas ils échangent leurs impressions sur la seule chose qu'ils semblent partager : un sommeil troublé, ponctué d'insomnies et de rêves si saisissants qu'ils laissent planer un soupçon de somnambulisme.
Puis, un jour, un fait déconcertant se produit : au réveil, l'un d'eux trouve tout son travail de la veille réduit en pièces et éparpillé au sol. Pourtant, personne ne semble s'être introduit chez lui. Puisant dans ses souvenirs, il essaie alors de trouver la solution à cette énigme. Dans Zénith, récit qui est avant tout visuel et sensible, María Medem nous plonge d'emblée dans une atmosphère où règnent le mystère et l' ambiguïté.
Par une parfaite maîtrise de son étonnante palette de couleurs, des mouvements de caméra et des changements de perspective, María Medem crée page après page des paysages surprenants, nous faisant voyager dans cet univers étrange à la découverte de la dimension onirique du réel.
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À longueur de journée, Buscavidas traîne son embonpoint et sa bouille flasque et informe à la recherche de morceaux de vies à écouter, qu'il accumule dans ses archives labyrinthiques.
Ses terrains de prédilection : les bars louches, les bancs de jardins publics ou encore les coins de rues de quartiers pauvres. Tandis qu'il enrichit sa collection, Buscavidas se fait le confident d'une humanité affligée et désespérée, qui débite sans pudeur ses malheurs, des tracas les plus anodins aux crimes les plus abjects. Dans ces courtes histoires morales, Breccia et Trillo dressent le portrait de l'homme dans tout ce qu'il a de plus vil et méprisable.
Ce catalogue glaçant a été conçu entre 1981 et 1982 et composé alors que la dictature argentine prenait fin, s'en faisant l'écho retentissant. Exceptionnelle à plus d'un titre, cette nouvelle édition de Buscavidas comporte un épisode inédit en France ainsi que l'intégralité des ébauches des histoires, présentée en fin de volume. Y transparaissent, intactes, toute la force et toute la pureté du dessin de Breccia.
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Figure emblématique de militant libertaire, Lucio Urtubia Jiménez est, avant tout, un homme d'action. Car, comme il aime souvent le répéter "Un révolutionnaire qui ne fait rien finit pour ressembler à un curé". Toute l'existence de Lucio a été une lutte incessante contre l'oppression et pour un monde libre et juste ; au soir de sa vie, il a accepté de la raconter lors de longues entretiens avec Mikel Santos "Belatz" pour en faire une bande dessinée. C'est son héritage, le trésor de Lucio. De son enfance dans un village de Navarre à son émigration en France, de son travail de maçon à ses premiers contacts avec l'anarchisme, des expropriations au dépens des banques en soutien à la lutte contre le fascisme à la fabuleuse arnaque aux chèques de voyage qui a fait chanceler Citybank, la bande dessinée de "Belatz" ne néglige aucun épisode de l'aventureuse trajectoire de l'anarchiste navarrais dans un récit plein de force, de passion et d'action, tout comme la vie de Lucio.
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Le 30 novembre 1900, Oscar Wilde meurt, à 46 ans seulement, dans une chambre miteuse d'un petit hôtel rue des Beaux-Arts à Paris. Il avait été emprisonné cinq ans plus tôt pour homosexualité, et l'intégralité de ses biens avaient été saisis. Après deux ans de travaux forcés, une fois libéré, il avait quitté l'Angleterre pour Paris, sous une fausse identité, où il a vite sombré dans la déchéance. Démuni, alcoolique, il n'a plus écrit une seule ligne.
Antithèse de cette fin de vie misérable, l'existence du dramaturge et poète irlandais a été conçue comme une oeuvre d'art. Il considérait en effet sa vie comme le lieu de son génie, tandis que son oeuvre n'était que celui de son talent. Wilde a toujours aimé se regarder dans le miroir de La Divine Comédie, jusqu'à en comparer des passages à des épisodes de sa propre vie. Sa mort, image du drame implacable d'un homme ayant tout eu et tout perdu d'un coup, n'est en outre pas sans rappeler le huitième cercle de l'Enfer de Dante, le Malebolge.
Sous le pinceau virtuose de Javier de Isusi, dans une ambiance crépusculaire rehaussée par de superbes lavis sépia, se déroule l'inexorable descente aux enfers d'Oscar Wilde : dans les méandres de nuits parisiennes, entre alcool, voyous et prostitués, ou lors de rencontres avec Gide, Toulouse-Lautrec, les frères Machado et les rares amis qui ne l'avaient pas abandonné. Le récit de la chute du poète s'interrompt parfois pour donner voix et corps aux autres protagonistes de la tragédie qui se joue, à travers de brefs entretiens imaginaires délivrant anecdotes et impressions personnelles.
Javier de Isusi ne se borne donc pas au rôle de biographe scrupuleux à l'ouverture de son petit théâtre sur la scène duquel défilent les trois dernières années de la vie d'Oscar Wilde. Il se pose en investigateur, interrogeant l'homme et l'oeuvre. Qui était cet écrivain déchu qui, quelques années plus tôt, outrait les conformistes avec ses phrases assassines et ses élégants paradoxes ? Le personnage Wilde avait-il fini par engloutir son créateur ? Pour quelles raisons avait-il cessé d'écrire à sa sortie de prison ? Tentant d'éclaircir ces quelques mystères, Javier de Isusi fait petit à petit tomber le masque du poète.
Il dresse un portrait d'homme sans filtre tout en livrant un récit passionnant sur l'art et la vie, la morale et le plaisir, l'être et le paraître. Le 22 octobre 2020, Javier de Isusi s'est vu décerner le prestigieux Premio Nacional del Cómic, sous le parrainage du ministère de la Culture espagnol, pour La Divine Comédie d'Oscar Wilde.
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Lorenzo et Manuel débarquent à Barcelone et emménagent dans un vieux immeuble du centre ville. L'appartement du dessous devrait être l'entrepôt d'un antiquaire ; cependant, ils n'ont jamais vu personne y entrer ni entendu le moindre bruit en sortir. Le mystère qui semble entourer ce lieu intrigue Lorenzo et finit vite pour l'obséder.
Après Cendres et Murderabilia, Álvaro Ortiz brille une fois de plus pour ses qualités de conteur dans un récit à tiroirs truffé de coups de théâtre et d'humour noir. Comme l'écrit Santiago García (le scénariste de Les menines et de Beowulf), « Des impénétrables relations existent entre une statuette phallique, un appartement vide en plein centre de Barcelone, un homme qui se liquéfie, Caravaggio et les forces cosmiques primordiales, mais elles n'ont pas de secret pour Álvaro Ortiz. Rituels est un récit kaléidoscopique où l'insignifiant et le colossal, le proche et le lointain, l'absurde et le grandiose s'entrecroisent dans une trame riche en mystères et surprises. ».
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En janvier 1992, en vue de l'exposition consacrée à son oeuvre qui devait s'ouvrir quelques mois plus tard dans la ville wallonne de La Louvière, Alberto Breccia accorde un long entretien, le dernier avant sa mort survenue le 10 novembre 1993. Breccia y retrace les moments clés de sa carrière de dessinateur, expose sa conception de la bande dessinée et revient - avec la franchise et l'humour qui étaient les siens - sur ses relations houleuses avec le marché. Quelques mois plus tôt, Breccia avait achevé Rapport sur les aveugles, d'après Ernesto Sábato : une large partie de l'interview est consacrée à ses travaux d'adaptation d'oeuvres littéraires. Breccia révèle comment il a résolu les difficultés liées à la transposition du texte de Sábato et détaille sa méthode de travail, revenant aussi sur ses précédentes adaptations de Poe ou Lovecraft. L'entretien avait été publié dans un livret qui accompagnait l'exposition belge ; tiré à un faible nombre d'exemplaires, il avait été vite épuisé et devenu introuvable. À l'occasion du 30e anniversaire de la disparition de Breccia, Rackham réédite ce précieux témoignage ; le texte a été entièrement revu et corrigé et est accompagné de notes et d'une préface inédite.
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Le 2 juillet 1831, une éruption volcanique fait émerger une île dans le bras de mer qui sépare la Sicile de la Tunisie. Sa souveraineté est aussitôt disputée. Dès que la nouvelle se répand, l'Angleterre y dépêche un bateau et la France y mène une expédition scientifique. Tous veulent être les premiers à planter leur drapeau sur le point le plus élevé de cette nouvelle terre. Mais, ce jour-là, c'est Salvatore, humble pêcheur du tout proche port de Sciacca de sortie en mer, qui a assisté à la naissance de l'île.
Quelques jours plus tard, attiré par le spectacle grandiose de l'éruption, il revient sur les lieux et pose son pied sur la terre brûlante. Il en ramasse machinalement un gros caillou avant de rentrer au port. La nouvelle de l'exploit de Salvatore s'ébruite et Ferdinand, roi des Deux-Siciles, voyant d'un très mauvais oeil l'intrusion dans ses domaines de deux grandes puissances, fait convoquer Salvatore par un de ses fidèles : cette terre est sicilienne, un sicilien y a posé le pied en premier et ce caillou en est la preuve ! On propose donc à Salvatore d'en devenir le gouverneur.
C'est une chance inespérée ; Salvatore n'y voit que la fin de ses peines. Il sera riche, puissant et pourra enfin épouser la belle et inaccessible Antonia...